L’intelligence artificielle (IA) est souvent saluée comme une solution innovante face aux grands défis contemporains, notamment la crise environnementale. Capable d’optimiser les ressources, de prévoir les catastrophes naturelles ou encore de réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’IA semble avoir un rôle clé à jouer dans la transition écologique. Cependant, cette technologie n’est pas sans conséquences. En parallèle de ses promesses, l’IA génère également des impacts négatifs importants sur l’environnement, notamment à travers sa consommation énergétique croissante, son usage de métaux rares et l’artificialisation des sols.
Dans ce contexte, il est crucial de s’interroger : l’IA peut-elle vraiment contribuer à un avenir plus durable ? Cet article explore les opportunités écologiques offertes par l’IA, tout en abordant les risques qu’elle présente pour l’environnement, et propose des solutions pour minimiser ses effets négatifs.
Les bénéfices environnementaux de l’IA
L’intelligence artificielle (IA) représente un outil puissant pour améliorer la gestion des ressources naturelles et réduire l’empreinte écologique dans divers secteurs. En optimisant les processus et en fournissant des solutions intelligentes, elle contribue à une utilisation plus efficace de l’énergie, de l’eau, et des ressources environnementales.
Optimisation des ressources
L’IA permet d’optimiser l’utilisation des ressources dans des domaines clés comme l’énergie, l’eau et la gestion des déchets. En analysant d’énormes quantités de données, elle améliore l’efficacité des systèmes, réduisant ainsi les gaspillages. Par exemple, l’IA aide à la gestion énergétique des bâtiments intelligents, en ajustant en temps réel la consommation de chauffage ou de climatisation en fonction des besoins. Cette optimisation peut réduire la consommation d’énergie, limiter les émissions de gaz à effet de serre et minimiser l’empreinte carbone des infrastructures.
Cas d’usage concrets
• Qualité de l’air : L’IA est utilisée pour surveiller et prévoir la pollution de l’air. Grâce à des capteurs et à des algorithmes prédictifs, elle peut anticiper la concentration de particules fines et fournir des recommandations pour adapter les comportements, comme éviter certains déplacements ou ajuster les activités industrielles. Cela permet de mieux gérer la pollution urbaine, réduisant ainsi les impacts sur la santé publique et l’environnement.
• Biodiversité : Des outils comme Pl@ntNet et BirdNet utilisent l’IA pour identifier et recenser les espèces végétales et animales. Pl@ntNet, par exemple, permet aux utilisateurs de photographier des plantes pour en déterminer l’espèce, contribuant ainsi à la surveillance de la biodiversité. BirdNet fonctionne de manière similaire pour les oiseaux. Ces plateformes facilitent la collecte de données à grande échelle, permettant ainsi une meilleure compréhension et protection des écosystèmes naturels.
• Gestion de l’eau : L’IA contribue à la gestion efficace des réseaux d’eau en anticipant les fuites et en optimisant la consommation énergétique des systèmes de pompage. Par exemple, dans certaines villes, l’IA est utilisée pour ajuster l’intensité du pompage en fonction des besoins quotidiens, réduisant ainsi le gaspillage d’eau et d’énergie. Cette technologie permet également de détecter précocement les anomalies dans les réseaux d’approvisionnement, évitant ainsi les pertes d’eau inutiles.
• Prévention des risques naturels : L’IA est un atout précieux pour anticiper les catastrophes naturelles telles que les inondations, les incendies ou les tremblements de terre. Grâce à l’analyse des données météorologiques et géologiques, elle peut prévoir ces événements et alerter les populations à l’avance. Des systèmes comme ceux utilisés pour détecter les débuts d’incendies ou suivre les tremblements de terre permettent d’agir plus rapidement pour limiter les dégâts, protégeant ainsi les personnes et l’environnement.
Ces exemples montrent que l’IA, bien utilisée, peut être un levier puissant pour réduire l’impact environnemental de nombreuses activités humaines, tout en contribuant à une gestion plus durable des ressources naturelles.
L’impact environnemental négatif de l’IA
Si l’intelligence artificielle (IA) offre des opportunités significatives pour l’environnement, elle présente également des effets négatifs non négligeables, notamment en termes de consommation d’énergie, de ressources naturelles et d’impact sur les écosystèmes. Ces défis soulignent l’importance de repenser le développement et l’usage de ces technologies pour minimiser leurs conséquences écologiques.
Consommation d’énergie
Les systèmes d’IA, en particulier les IA génératives, consomment des quantités massives d’électricité. Par exemple, une simple requête ou « prompt » dans un outil comme ChatGPT peut nécessiter jusqu’à dix fois plus d’énergie qu’une recherche standard sur Google. L’entraînement des modèles d’IA complexes, comme GPT-3 ou GPT-4, demande également d’énormes ressources en calcul, équivalant à la consommation énergétique annuelle de plusieurs centaines de foyers. Cette augmentation exponentielle de la demande en énergie contribue directement à l’empreinte carbone du numérique, surtout dans les régions où l’électricité provient encore de sources non renouvelables.
Métaux rares et ressources
Le développement de l’IA dépend de composants électroniques sophistiqués, qui nécessitent des métaux rares comme l’indium, le néodyme, ou encore le tantale. L’extraction de ces matières premières a un impact environnemental important, avec des pratiques minières souvent dévastatrices pour les écosystèmes locaux. De plus, ces métaux critiques sont difficiles à recycler, avec des taux de récupération très faibles. Cela entraîne une pression supplémentaire sur les ressources naturelles, rendant leur exploitation de moins en moins durable. L’expansion des technologies IA risque donc d’aggraver la raréfaction de ces ressources, au détriment de la biodiversité et de l’environnement.
Artificialisation des sols et fonds marins
La prolifération des data centers, nécessaires pour héberger les gigantesques volumes de données utilisés par les systèmes d’IA, contribue à l’artificialisation des sols. Ces infrastructures consomment non seulement beaucoup d’espace, mais exigent également une grande quantité d’énergie pour leur refroidissement, amplifiant ainsi leur impact écologique. De plus, l’illusion du « cloud » masque le fait que la majorité des échanges de données transite par des câbles sous-marins. Ces câbles, qui tissent une véritable toile au fond des océans, peuvent perturber les écosystèmes marins, bien que leurs impacts écologiques soient encore sous-étudiés.
En combinant ces aspects, il est clair que l’IA, malgré ses bénéfices potentiels, est à l’origine de défis environnementaux importants. Ces effets négatifs soulignent la nécessité de développer des IA plus respectueuses de l’environnement, tout en limitant l’empreinte écologique des infrastructures qui les soutiennent.
L’effet rebond et les risques de désinformation
Bien que l’intelligence artificielle (IA) puisse améliorer l’efficacité énergétique et réduire l’empreinte écologique, elle comporte également des risques qui peuvent annuler ces gains. L’effet rebond et la désinformation sont deux phénomènes préoccupants qui compromettent les bénéfices environnementaux potentiels de l’IA.
Effet rebond
L’effet rebond se produit lorsque les gains d’efficacité obtenus grâce à une technologie entraînent une augmentation globale de la consommation, annulant ainsi les économies réalisées. Dans le cas de l’IA, cette dynamique est particulièrement visible. Par exemple, même si l’IA permet d’optimiser la consommation d’énergie dans certains secteurs, l’augmentation des usages numériques à faible utilité sociale, comme le streaming vidéo, les jeux en ligne ou les réseaux sociaux, risque de compenser voire d’amplifier l’empreinte écologique du numérique. En 2019, une étude a révélé que 80 % des flux de données mondiaux étaient constitués de vidéos, un format extrêmement énergivore. Ainsi, les gains potentiels apportés par l’IA dans la gestion des ressources pourraient être largement annulés par l’essor d’usages de divertissement numériques massifs.
Désinformation
L’IA, notamment sous sa forme générative, a la capacité de produire et de diffuser à grande échelle des contenus, y compris des informations erronées ou trompeuses. Ce phénomène, souvent appelé « infodémie », est particulièrement problématique lorsqu’il touche à des sujets environnementaux. Des campagnes de désinformation pourraient, par exemple, minimiser l’impact du changement climatique ou promouvoir des technologies faussement étiquetées comme écologiques. En amplifiant la diffusion de fausses informations, l’IA peut ralentir la prise de conscience du public et des décideurs, freiner les actions nécessaires à la lutte contre la crise climatique, et même soutenir des comportements ou politiques néfastes pour l’environnement.
En somme, bien que l’IA soit un puissant levier pour optimiser les ressources et faciliter la transition écologique, elle comporte des risques qui, s’ils ne sont pas contrôlés, pourraient aggraver les problèmes qu’elle prétend résoudre. Une utilisation responsable et une régulation stricte sont donc essentielles pour éviter ces effets pervers et maximiser les bénéfices environnementaux de l’IA.
Solutions pour une IA plus respectueuse de l’environnement
Pour que l’intelligence artificielle (IA) devienne un outil véritablement durable et bénéfique pour la planète, il est essentiel de mettre en place des stratégies visant à réduire son empreinte environnementale. Plusieurs solutions sont envisageables, tant au niveau international que national, en passant par des initiatives publiques et privées.
Inscription à l’agenda international
Il est crucial que les impacts environnementaux de l’IA soient intégrés aux discussions mondiales sur le climat, à l’image des conférences des parties (COP) sur le changement climatique. La France, par exemple, pourrait jouer un rôle de leader en portant ce sujet au sein d’instances internationales comme les Nations Unies. Organiser des sommets dédiés à l’IA et à l’environnement permettrait de sensibiliser les acteurs mondiaux et de mettre en place des accords contraignants pour réduire les impacts écologiques des technologies IA. Cette démarche favoriserait également l’émergence d’initiatives exemplaires à fort impact, alignées sur les objectifs de développement durable (ODD).
Développement d’une IA frugale
L’un des leviers majeurs pour minimiser l’impact environnemental de l’IA est de promouvoir le financement et le développement de technologies dites « IA frugales ». Ces IA sont conçues pour consommer un minimum de ressources énergétiques et matérielles, tout en maintenant un haut niveau d’efficacité. Le concept de « Green IA » vise spécifiquement à optimiser les processus existants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, par exemple en améliorant l’efficacité énergétique des infrastructures ou en favorisant l’autoconsommation d’énergie renouvelable. Parallèlement, les « IA for Green » sont des solutions conçues pour répondre directement à des problématiques environnementales, telles que la gestion des énergies renouvelables, la préservation de la biodiversité ou l’optimisation des processus industriels. Encourager ces types de projets, via des financements publics et privés, serait une étape clé pour une IA plus durable.
Rôle des acteurs publics et privés
Les gouvernements et les entreprises ont un rôle central à jouer dans la transition vers une IA respectueuse de l’environnement. Les pouvoirs publics doivent intégrer des mesures concrètes dans leurs politiques numériques, comme l’écoconception des data centers. Ces centres de données, très gourmands en énergie, pourraient adopter des pratiques plus durables : zéro artificialisation nette, récupération de la chaleur perdue et utilisation d’électricité décarbonée. Par ailleurs, des normes environnementales spécifiques à l’IA devraient être développées pour encadrer leur impact sur l’ensemble de leur cycle de vie, de la fabrication à l’utilisation.
Les entreprises, quant à elles, peuvent mener des campagnes de sensibilisation pour encourager l’usage responsable de l’IA, tant en interne qu’auprès des utilisateurs. Elles devraient également s’engager à rendre leurs systèmes plus transparents en matière de consommation énergétique et de ressources. Enfin, la formation des ingénieurs et des développeurs doit inclure des compétences en écoconception, pour que l’impact environnemental des systèmes d’IA soit pris en compte dès leur conception.
Ces solutions, combinées à une volonté collective, peuvent faire de l’IA un allié dans la lutte contre le changement climatique et non un facteur aggravant de la crise écologique.
Conclusion
L’intelligence artificielle représente à la fois une opportunité précieuse et un défi majeur pour l’environnement. D’un côté, elle peut optimiser l’utilisation des ressources, améliorer la gestion des énergies renouvelables et contribuer à la préservation des écosystèmes. De l’autre, elle génère des impacts environnementaux non négligeables, notamment en termes de consommation d’énergie, d’exploitation des métaux rares et d’artificialisation des sols. Son bilan final dépendra des choix politiques, économiques et techniques que nous ferons aujourd’hui.
Pour que l’IA devienne un véritable levier de la transition écologique, il est impératif d’agir rapidement. Cela passe par une sensibilisation accrue du public et des décideurs, une régulation stricte pour encadrer son développement, et des innovations qui privilégient des IA plus frugales et respectueuses de l’environnement. En orientant l’intelligence artificielle vers un usage durable et responsable, nous pourrons maximiser ses bénéfices tout en minimisant ses impacts négatifs.
Cet article a offert une vue d’ensemble des effets de l’IA sur l’environnement, tout en proposant des pistes concrètes pour un usage plus conscient et équilibré de cette technologie.
Pour en savoir plus :
https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_14_IA_Environnement.pdf