Le dernier rapport du Secrétariat général à la planification écologique (mars 2025) dresse un constat clair : la France progresse sur le chemin de la décarbonation, mais les retards cumulés dans trois secteurs structurants – le transport, le bâtiment et l’économie circulaire – mettent en péril l’atteinte des objectifs climatiques et de souveraineté. Là où les politiques publiques ne suffisent plus, c’est une mobilisation collective – entreprises, collectivités, citoyens, acteurs financiers – qui doit prendre le relais.
Transport : électrifier, mais ensemble
Malgré des incitations publiques fortes, la France accuse un retard de 305 000 véhicules électriques particuliers par rapport à la trajectoire 2024. Ce décalage génère à lui seul +0,6 MtCO₂e/an d’émissions supplémentaires. Les entreprises, pourtant en première ligne, ne respectent pas leurs obligations d’électrification des flottes. Côté utilitaires, le constat est similaire : 30 000 VUL électriques manquent à l’appel.
Pour inverser la tendance, des dynamiques collectives sont indispensables :

- Création de flottes mutualisées entre entreprises d’un même territoire.
- Plans de mobilité intercommunaux pour les zones rurales et périurbaines.
- Partenariats industriels pour le déploiement de bornes et de solutions de retrofit.
- Lancement de « COP mobilité » territoriales avec des engagements chiffrés.
Proposition : constituer des coalitions logistiques et territoriales pour massifier l’électrification et sortir du chacun pour soi.
Bâtiment : accélérer la rénovation, massivement et solidairement
Sur les 500 000 chaudières fossiles à remplacer chaque année, seules 100 000 l’ont été en 2024. Les ventes de pompes à chaleur chutent (-22%), tandis que les chaudières gaz font un retour en force (+14%). L’écart d’émissions en 2024 atteint +1,5 MtCO₂e.
La stratégie de massification doit s’appuyer sur :

- Des groupements de copropriétés ou de lotissements pour mutualiser les audits, travaux et financements.
- Des programmes territoriaux pilotés par des consortiums publics-privés.
- L’engagement ferme des bailleurs sociaux (objectif 2025 : 120 000 logements rénovés).
- L’implication des banques coopératives et caisses de dépôt dans des financements à long terme.
Proposition : lancer une « Alliance Rénovation 500k » regroupant État, régions, bailleurs, entreprises du BTP et acteurs financiers.
Économie circulaire : un levier stratégique encore marginal
Le recyclage et le réemploi restent à la traîne. Le taux de recyclage des plastiques plafonne à 23% (objectif UE : 50%), celui des textiles à 8,6%. Résultat : 1,5 milliard d’euros payés par la France à l’UE pour non-conformité.
Or l’économie circulaire n’est pas qu’une affaire d’environnement : elle est un outil de compétitivité et de souveraineté. Pour accélérer :

- Créer des « territoires circulaires pilotes » intégrant les filières locales de réemploi, recyclage et réparation.
- Mettre en place des réseaux inter-entreprises de mutualisation des matières et déchets.
- Soutenir les structures de l’ESS et les éco-entreprises via des marchés publics circulaires.
- Intégrer des critères d’écoconception dans les bonus écologiques.
Proposition : instaurer un « PACTE circulaire local » dans chaque intercommunalité mobilisée.
Repenser la gouvernance : vers une écologie coopérative
Les feuilles de route territoriales (« COP ») couvrent désormais 40% des objectifs de réduction d’émissions. Mais l’impact reste partiel sans une réelle convergence entre acteurs.
Ce que propose le rapport, et que l’on peut amplifier :

- Créer des COP régionales intersectorielles (bâtiment + transport + économie circulaire).
- Définir des budgets partagés et des objectifs chiffrés par territoire.
- Faire de chaque région un laboratoire d’action collective.
En somme, la réussite de la planification écologique ne viendra pas d’une superposition de politiques sectorielles, mais d’une approche systémique et coopérative, ancrée dans les territoires, les filières et les alliances multi-acteurs. Il est temps de passer d’une écologie de la régulation à une écologie de la coalition.
Pour aller plus loin :
Conseil de planification écologique du 31 mars 2025